De France Telecom à l’INA
en passant par la SFP, les recettes ne leur manquent pas…
Delphine
Ernotte a présenté le 3 mai en CCE son plan stratégique 2016-2020 (dans une
novlangue « tendance » très éloignée du service public, entre cynisme
et néologismes branchés. Passons…)
Ce
qui est écrit noir sur blanc dans ce rapport fait écho à ce que Delphine
Ernotte revendiquait de vive voix dans ses vœux de nouvel an. Elle déclara
alors : « Vous savez qu’on me reproche d’avoir dit que la télévision est
aujourd’hui trop exclusivement faite par des hommes blancs de plus de cinquante
ans. C’est vrai, je l’ai dit et je le redis. C’est au fond ce que je pense et
je crois que peu nombreux seront ceux capables de me prouver le contraire… »
Delphine
Ernotte a donc une idée fixe. S’ils sont nombreux ceux qui pensaient qu’elle
parlait alors des présentateurs et des producteurs, force est de constater qu’elle
va plus loin dans son rapport stratégique en visant l’ensemble des salariés de
France Télévisions : « Cette maîtrise doit s’accompagner
d’une politique de renouvellement des effectifs, dans le souci d’une plus
grande diversité générationnelle. La moyenne d’âge de l’entreprise se situe
aujourd’hui à 48 ans, près de 50% des salariés ont plus de 50 ans tandis que
2,5 % seulement ont moins de 30 ans… Cette politique permettra notamment de
disposer de salariés directement formés aux nouvelles technologies issues de la
révolution numérique tout en maîtrisant l’impact sur la masse salariale (effet
noria) ».
Nous
y voilà. Derrière le discours policé sur la révolution numérique, les nouveaux
usages et les nouvelles écritures, la réalité pour les salariés c’est un plan de suppression de postes massif (au minimum 3000) s’appuyant sur la destruction de nos outils de production
actuels et de nos métiers avec leurs garanties collectives en terme de
carrière, de durée du travail et de rémunération. Ce n’est pas un plan social à
proprement parler mais la mise à l’écart
des générations prétendument inadaptées au NUMÉRIQUE (érigé à satiété comme
un totem qui se substituerait à tous les aspects de nos métiers). Cela passe
par des départs en retraite non remplacés, par des substitutions de postes au
mépris de la convention collective et par une pression managériale pour pousser
à aller voir ailleurs (technique du deuil, placardisation, harcèlement, etc…).
Les derniers plans en
cours sont les vecteurs de cette éradication générationnelle :
La
Chaîne Info est venue se superposer
à INFO 2015 et d’autres plans moins
spectaculaires sont en cours. L’empilement des plans s’ajoute à l’empilement
des réformes qui se remettent en cause les unes les autres et épuisent les
salariés qui s’évertuent à accomplir leurs missions dans ce chaos structurel.
Ce
qui vient d’arriver à nos collègues de France
3 Régions en est l’illustration tragi-comique. L’abandon des 5 grands pôles
régionaux façon « eurorégions »
pour revenir à de véritables stations (13 pour s’aligner sur le dernier
découpage étatique) enfonce un sacré coin dans la société unique. Ceux qui
fantasmaient sur un nouvel ORTF (une « BBC
à la française » disaient-ils) doivent être bien en peine. Mais quel
gâchis humain quand on pense aux plans de restructuration subis par les équipes
des stations ces dernières années !... Quant au coût que tout cela représente, la réponse faite par
Delphine Ernotte devant les « Top managers » de l’entreprise a de
quoi laisser pantois « On ne sait pas…on le met en route… on verra
après »
De fait, la Tutelle et la Direction veulent faire d’une pierre deux coups :
1 : Transformer l’outil télévisuel public en outil
multimédia dont les deux principales vocations seraient l’information low cost
et unique (fin du pluralisme rédactionnel) et le remplissage continu du carnet
de commande des sociétés de production.
2 : Réduire massivement les effectifs à la faveur
de cette évolution.
La
« révolution numérique » a
bon dos pour réduire le périmètre non seulement de France Télévisions mais bien
de tout l’audiovisuel public. Nos collègues de Radio France, déjà attaqués
l’année dernière, nous retrouvent aujourd’hui dans le maelstrom de la Chaîne
Info, chantier explosif en ce qu’il prétend faire passer à la hussarde des
évolutions technologiques, professionnelles et structurelles dans le court laps
de temps (avant le 1er septembre) conditionné par des motivations
politiques qui n’échappent à personne. Certains n’auraient-ils pas les yeux
plus gros que le ventre ?
DANSE
SUR UN VOLCAN
Aujourd’hui
comme hier, la télévision publique reste « la danseuse » des Présidents de la République successifs, un
hochet narcissique dans lequel les locataires de l’Élysée ont toujours cru voir
l’assurance de leur règne, encouragés dans ce sens par des conseillers de
l’ombre qui délèguent d’autres conseillers auprès des présidents de FTV ;
Alain Minc et Jacques Kirsner en leur temps (auprès de Nicolas Sarkozy),
aujourd’hui,
Denis Pingaud et Robert
Zarader à qui Delphine Ernotte sait ce qu’elle doit.
Mais,
calfeutrés dans les allées du pouvoir, réalisent-ils quels feux ils
allument ?
Tout
comme nos courageux collègues de Radio France (et avec eux), ne nous laissons
pas enfermer dans une logique mortifère par cette direction qui nous dit :
« C’est fini pour toi mon vieux avec
ta vieille télé ! Ton temps est passé. Meurs en silence… ». Nous
connaissons notre métier, nous sommes fiers de faire la télé et la radio publiques
(qu’elles aient été hertziennes hier ou numériques aujourd’hui) et nous valons
mieux que tous les conseillers « COM »
des pouvoirs
successifs.
L’heure est venue de
relever la tête pour tout l’audiovisuel public !
Les objectifs assignés à Delphine Ernotte
sont dans la continuité d’une politique de l’audiovisuel promue ces dernières
années par les gouvernements successifs (avec l’assentiment de la Commission de
Bruxelles) qui estime que le périmètre actuel de la télévision publique
française fait une concurrence déloyale au secteur privé. Après les décrets
Tasca, au profit des producteurs, la suppression de la publicité après 20h a
encore réduit ce périmètre au profit des chaînes privées (Eric Woerth venant d’en
réclamer sa suppression totale). Dans ce contexte, on peut légitimement douter
que les 25% de production que Delphine Ernotte a annoncé grignoter sur les
décrets Tasca ou les hypothétiques droits de diffusion dont elle réclame à
raison la récupération suffisent à colmater le tonneau des Danaïdes budgétaire
de France Télévisions… Puisqu’il ne faut pas contrarier les lobbyistes qui ont
l’oreille du pouvoir, plus qu’une solution : dégager des économies structurelles,
en particulier en terme d’effectifs. Au-delà du seul remplacement
générationnel, on pourrait reprendre l’expression « d’effet noria »
(employé par Delphine Ernotte dans son rapport) entre l’asphyxie budgétaire
instillée par la Tutelle et la réduction de la masse salariale… De France
Telecom à l’INA, rien ne vaut les bonnes vieilles recettes.
A part
ça, TOUT VA MIEUX !...
Paris, le 19 mai 2016